Prenant les traits d'une "mère
la colique", cette secouette scatologique délivrait
à son propriétaire une dose de tabac à priser
par le séant dénudé du personnage !
Un bouchon de liège ou une cheville
en bois fermait hermétiquement ces tabatières
qui datent de la seconde moitié du XIXème siècle.
Ces secouettes anthropomorphes pouvaient
également prendre le visage d'autres personnages comme
par exemple Polichinelle.
Nous avons de la même façon déjà observé
des secouettes scatologiques originaires
du Calvados moulées en forme de cochon !
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Secouette scatologique
en grès au sel
Calvados, France
Fin du XIXème siècle
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De dos, jupe relevée...
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Notre exemplaire est en grès
salé, procédé déjà utilisé
à Cologne au XIIème siècle et qui connu son
essor dans la deuxième moitié du XVIIème siècle.
La glaçure de ce grès
se forme à la fin de la cuisson, lorsque le potier
projette du sel dans le four à haute température (entre
1200°C et 1300°C).
Le sodium du sel se vaporise immédiatement, ses vapeurs
se combinent avec le silicate d'alumine de la terre en fusion et
la vapeur environnante. Se forme ainsi
un "alumino-silicate de sodium", en fait une glaçure
inattaquable !
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Cette secouette est probablement originaire
du Calvados, plus précisément du Bessin, connu
pour ses nombreux villages de potiers à partir du milieu
du XVIIIème et du XIXème siècle (Noron-la-Poterie,
Le Tronquay, Saint-Paul-du-Vernay, Lison, Airel, Moon-sur-Elle,
Cartigny, Le Molay, Subles).
Aujourd'hui, les potiers de Noron-la-Poterie
restent les seuls à essayer de perpétuer la tradition
potière bas-normande à partir de la terre du pays
dite terre de Noron. Cette argile donne à la cuisson
une couleur caractéristique appelée "rouge brun
Van Dick", du nom du peintre flamand Antoine Van Dyck.
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Main gauche sur un genou,
main droite tenant la jupe...
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La secouette a été réalisée
à partir d'un moule en deux parties
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Nos aïeux
s'amusaient déjà au XVIIIème siècle de
ces objets.
Des secouettes (ou des tabatières
dont le couvercle s'ouvrait dans le dos des personnages), le plus
souvent sculptées en buis, figuraient des ecclésiastiques
ou des polichinelles, parfois aux yeux en sulfure, accroupis (Cf.
collections du Musée du Tabac de Bergerac)...
Les objets du tabac sont en effet le lieu
privilégié des plaisanteries de bon et mauvais goût...
Citons à titre d'exemple de
magnifiques râpes en ivoire, de la seconde moitié
du XVIIème siècle, originaires de Dieppe ou de Flandre,
ornées d'un personnage chapeauté, vu de dos, chemise
relevée et pantalon baissé, en train de déféquer
!
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La plante des pieds du personnage
a été dessinée par incision après démoulage
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Dans le même registre, Atadis
possède dans ses collections une luxueuse tabatière
en ivoire, du XVIIIème siècle, sans doute originaire
de Dieppe, représentant un personnage de la Comedia Dell
Arte (Polichinelle ?), culotte baissée, perché sur
les épaules d'un joueur de pipeau...
En penchant la tabatière montée sur socle, le tabac
à priser sortait du séant du personnage.
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Le bestiaire pipier, plus particulièrement
celui des pipes en terre, n'échappe pas à la règle...
La manufacture Gisclon de Lille,
dans son catalogue de 1865 et sous le n° 542, présente
une pipe à douille "cas pressant", figurant une
femme sur un pot de chambre ; la manufacture
Fiolet de Saint-Omer, une pipe fantaisie "Femme sur
le pot" ; Wingender, fabrique belge
autrefois installée à Chokier, une pipe à
douille anglaise décorée d'un homme moustachu sur
un pot de chambre... Pour terminer, une petite dernière,
la grande pipe de Dutel-Gisclon de Montereau,
sorte de Jacquot scatologique,
déjà présentée sur le site.
Sources :
CLERGEOT Bernard, Tabac et sociétés
II : L'herbe de tous les Maux, 2nd tome du catalogue raisonné
du Musée d'Anthropologie d'Intérêt National
du Tabac de Bergerac, Ville de Bergerac, 1991
Histoire du tabac et de ses usages,
musée - galerie de la seita, catalogue, Paris, 1992
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