D'inspiration antique, cette pipe en
bruyère est une représentation de la République
que l'on appelle Marianne, du prénom populaire Marie-Anne
en usage à la fin de l'Ancien Régime. Il en existe
également une version en pipe à douille.
Le sculpteur à l'origine de
cette belle création s'est à l'évidence en
partie inspiré des bustes de Marianne réalisés
par Théodore Doriot ou Angelo Francia qui créèrent
respectivement en 1871 et 1876 des bustes de Marianne coiffée
d'une couronne végétale avec étoile dans les
cheveux.
Encore commercialisés, les bustes de ces artistes ont été
largement diffusés, surtout sous la IIIème République.
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Marianne, " RJ Paris "
Saint-Claude (?), France
circa 1900
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Marianne peignée à l'antique
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Sa couronne végétale
(symbole du pouvoir) est surmontée d'une étoile à
cinq branches, symbole du guide de la Nation. Elle se compose
de feuilles de chêne (symbole de force), de feuilles de laurier
(symbole des arts et des lettres) et d'épis de blé
(symbole nourricier).
Marianne est ici peignée à
l'antique, cheveux relevés sur la nuque en chignon
par un bandeau visible sur le front et tombant sur les épaules.
Sur ces bustes, ce bandeau porte généralement au niveau
du front l'inscription " CONCORDE ".
L'influence de ces deux bustes de Marianne
est indéniable.
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Cependant de petits détails
permettent également de rapprocher ce portrait-pipier des
monnaies à l'effigie d'une Marianne adoptant les traits de
Cérès, déesse des moissons, de la fertilité,
de l'agriculture, gravée par Eugène Oudiné
en 1848 sur des monnaies de bronze et d'argent, en circulation de
la seconde à la troisième République.
Figurant sur ces monnaies et sur notre pipe, des
fleurs s'intercalent en effet entre les feuilles de lauriers
et les épis de blé de sa couronne. Quant à
la nuque, elle se trouve encadrée de
feuilles et de glands de chêne.
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Monnaie de 5 francs en argent (1851)
à l'effigie de Cérès, gravée par
Eugène, André Oudiné
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Au milieu du front, à la naissance des cheveux ainsi qu'en
pendants d'oreille, des perles de verre
rouge recouvertes de dorure ainsi qu'une perle translucide agrémentent
cette effigie.
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Sur la tige, une marque apposée
en creux dans un cercle, " RJ PARIS "
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D'un seul tenant (foyer et tuyau faisant corps dans un même
morceau de bruyère) cette pipe a désormais un visage
reste maintenant à identifier
la fabrique à l'origine de ce modèle !
Sur la tige, une marque apposée
en creux dans un ovale, " RJ PARIS ", nous ouvrait quelques
pistes... Toutes les pipes de cette époque et de ce
type ne sont malheureusement pas toujours marquées !
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" Le Guyot " (GUYOT
Gilbert, Les pipiers français - Histoire et tradition, Paris,
1992), qui dresse en particulier la
liste détaillée des pipiers parisiens en activité
au XIXème et au XXème siècle, indique :
" 1900 : B.H.V. Rayon créé par Ruel Jeune et
la Vve Ruel, 15 rue de la Verrerie, successeurs de Maréchal
& Bine (1897). Cette adresse fut le dernier dépôt
de GBD à Paris avant son établissement rue des Balkans.
"
Il existe selon nous une très
forte probabilité pour que " RJ Paris " soit l'une
des marques utilisée par Ruel Jeune. Au sein du Bazard
de l'Hotel de Ville, un pipier ayant pour raison sociale "
Ruel Jeune et la Vve Ruel " devait avoir ouvert un rayon au
tournant du siècle
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L'explication " tenait la route
" mais quel pouvait être le lien entre ce pipier et ce
célèbre magasin ; pourquoi s'installer au B.H.V.
au moment même où les autres pipiers de la capitale
possédaient leur boutique.
Qui pouvait se cacher derrière
cet homme dont le père, également probablement
homme du métier, n'avait pourtant pas laissé la moindre
trace dans " le Guyot ".
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L'embout, probablement à l'origine en
ambre (appelé plus communément
" bout " à l'époque), est manquant.
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Ruel, le BHV
une famille et un sigle indissociables !
Propriétaire d'une quincaillerie
à Lyon, Xavier Ruel (1822 - 1900) l'a vendit en 1852 pour
s'installer à Paris avec femme et enfants.. Il achète
un stock de bonneterie et recrute des camelots pour vendre sa marchandise
dans les rues de la capitale. Constatant rapidement que le camelot
installé dans le quartier de l'Hôtel de Ville vendait
facilement ses articles, il eut l'idée de louer un local
dans un lotissement en construction rue de Rivoli. Secondé
de son épouse, l'affaire prend rapidement de l'importance
et Xavier Ruel développe son offre de nouveaux produits (articles
de ménage, quincaillerie, outillage)
c'est la naissance
du " Bazar Parisien ".
En 1855, il agrandit son magasin qu'il
baptise "Bazar Napoléon", profitant d'une forte
récompense octroyée par Napoléon III pour son
héroïsme ! Il avait en effet maîtrisé
les chevaux emballés de l'attelage de son épouse,
l'Impératrice Eugénie, qui passait devant son magasin.
En 1870, après la défaite
de Sedan et la chute de l'Empire, le " Bazar de Napoléon
", au nom désormais moins vendeur, devient le B.H.V.,
le " Bazar de l'Hôtel de Ville "
Nous en arrivons au point qui nous intéresse
!
Xavier Ruel disparaît en 1900,
laissant à sa famille une affaire florissante (plus
de huit cents employés) sur laquelle
son fils " Ruel Jeune " et sa femme la " Vve Ruel
" vont continuer à veiller ( la société
est depuis 1992 aux mains des Galeries Lafayette).
Au 15 rue de la Verrerie, l'une des
annexes du B.H.V., le fils de Xavier Ruel a donc probablement créé
un rayon de pipes et d'accessoires pour fumeurs, commercialisant
des " pétunoires " sans doute fabriquées
à Saint-Claude et y apposant sa marque, pratique courante
à l'époque
Cette adresse avait donc également
en dépôt les pipes de la célèbre Maison
G.B.D. (des initiales des fondateurs Ganneval, Bondier et Donninger).
Fondée en 1851 par l'association de trois artisans fabricants
de pipes en écume de mer, cette célèbre maison
allait, après de multiples reprises, devenir anglaise...
Sources :
GUYOT Gilbert, Les pipiers français
- Histoire et tradition, Paris, 1992
samedi 26 avril 2003, Espace Tajan
, Importante collection de pipes anciennes, Tajan (expert
Bernard Mamy)
LOPES José Manuel, Cachimbos
- marcas, fabricantes y artesãos , Quimera Editores,
Lisboa, 2004
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