D'une très grande maîtrise,
ce portrait d'un fumeur de pipe en terre dont le buste et
les bras sont simplement esquissés date probablement d'avant
le Second Empire, c'est à dire des années 1830 - 1840.
Ce dessin a été arraché d'un carnet de croquis
à des fins d'encadrement.
L'homme porte attachée autour
du cou une médaille difficilement identifiable.
Ce signe distinctif, décoration vraisemblablement plus civile
que militaire, marquerait peut-être
l'appartenance de ce fumeur à une corporation professionnelle.
La présence d'une médaille associée à
celle d'une pipe pourrait également permettre d'évoquer
l'hypothèse d'un portrait réalisé au cour d'une
réunion de fumeurs de pipes. Cet homme serait alors
membre d'une académie de fumeurs de pipes.
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Portrait d'un fumeur
de pipe en terre (19 x 27.5 cm)
Anonyme, France (?),
années 1830 - 1840
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Avec l'apparition du tabac et bien souvent
son interdiction... se créèrent en effet rapidement
en Europe, des clubs de fumeurs de pipes. On y discutait
affaires tout en y encourageant l'usage de la pipe et du tabac.
Ces amateurs fondèrent donc des confréries de fumeurs,
appelées "Smoking Party", "Tabagies",
"Corporation des amateurs de tabac", "Compagnies
des tabacs", etc.
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Le portrait d'un fumeur, membre
d'une académie de fumeurs de pipes ?
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Le plus illustre de ces clubs est le
"Tabakskollegium" (Collège de tabac) du roi de
Prusse Frédéric - Guillaume Ier (1713 - 1740).
On débattait quotidiennement au sein de ce "Collège"
des sujets politiques importants tout en y fumant et en y buvant
de la bière. Véritable parlement parallèle,
ce "Parlement du Tabac" réunissait tous les soirs
autour du roi et de ses proches, officiers, ministres, conseillers
et invités.
La liberté de propos était la règle dans ces
fumoirs où des sujets comme l'éducation, la morale,
la théologie et l'économie étaient également
abordés.
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Le temps passant... la bière
aidant, ces soirées dégénéraient bien
souvent. On accrochait dans le dos des convives distraits
des billets ou des déchets de toutes sortes, on noircissait
les visages des uns et les vêtements des autres, on faisait
éclater des pétards sous les sièges et on s'échangeait
des plaisanteries grasses !
On ne peut pas écarter enfin,
pour en revenir à l'identification de cette médaille,
la possiblilité d'un objet de cérémonie bien
particulier comme par exemple une médaille maçonnique.
Bijoux et pendentifs étaient en effet largement répandus
à cette époque au sein des loges anglo-saxonnes et
françaises. Difficile pourtant de croire en l'hypothèse
d'un franc-maçon se laissant "portraiturer" au
sein de sa Loge, le secret étant l'un des fondements même
de ces sociétés !
Signalons d'ailleurs en passant que
les fabriquants de pipes en terre proposaient à la vente
des pipes susceptibles de répondre aux goûts de ces
clients bien particuliers. La manufacture Fiolet de Saint-Omer
(Nord) proposait une "pipe longue maçonnique" dans
son catalogue de 1846, pipe décorée des symboles classiques
généralement en usage (maillet, équerre, compas,
temple de Salomon, étoiles et échelle de Jacob).
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Sources :
CASPAREK Gustav, HILL Stan, HUFNAGEL Walter et POLLNER Otto, La
passion de la pipe - Fumée et fumeurs, Univers UVB
Verlag GmbH, Bielefeld, 1984
LIEBAERT Alexis et MAYA Alain, La
grande histoire de la pipe, Flammarion, Paris, 1993
Catalogue de la Fabrique de pipes
de Mr Louis Fiolet à St-Omer, Département du
Pas-de-Calais, 1846
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